Système de surveillance en entreprise : Garant de sécurité ou menace pour les droits des salariés ?

L'article en bref :
  • Cadre légal et conditions : La vidéosurveillance en entreprise est soumise à un cadre strict : information préalable et consultation du CE nécessaire, respect de la vie privée et des zones intimes protégées.
  • Preuve en litige : Les images de vidéosurveillance peuvent servir de preuve dans les litiges de droit du travail, mais doivent être obtenues de manière loyale et pertinente pour être admissibles devant le juge.
  • Protection des droits des salariés : Tout en assurant la sécurité, il est crucial que la surveillance ne viole pas les droits des salariés, avec une surveillance proportionnée et transparente pour éviter les intrusions abusives dans leur vie privée.

Le système de surveillance en entreprise : un levier d'administration de preuve dans les litiges de droit du travail ou une entrave aux droits du salarié ?

En France, les employeurs ont de plus en plus recours à la vidéosurveillance pour surveiller le comportement des salariés et l'environnement de travail. Toutefois, cette réalité peut conduire à des conflits entre le besoin de sécurité de l’entreprise et le respect de trois principes fondamentaux de droit du travail : la liberté individuelle, le respect de la vie privée et le droit à l'image des salariés. Ce contexte soulève plusieurs questions : quelles sont les règles juridiques encadrant l’installation des caméras sur le lieu de travail ? Comment utilisées, peuvent-elles constituer des preuves recevables lors des litiges au sein de l’entreprise ? Voyons cela de plus près.

Réglementation légale relative à la vidéosurveillance au travail

D’après le Code du Travail français, tout employeur a le droit de mettre en place un système de surveillance, notamment la vidéosurveillance, pour garantir la sécurité des personnes et des biens. Par contre, il ne peut pas installer n'importe quelle caméra cachée sans respecter certaines contraintes imposées par la loi et la jurisprudence. Selon la avocat spécialiste en droit du travail à Versailles, celles-ci consistent notamment en l'information préalable des salariés, la consultation obligatoire du comité d'entreprise (CE) ou encore le respect de certaines zones intimes comme les toilettes et les locaux syndicaux.

La vidéosurveillance comme preuve pertinente lors d'un litige

En cas de faute grave commise par un salarié, les images obtenues grâce à la vidéo-surveillance peuvent être utilisées comme une preuve fiable. Toutefois, pour qu’elles soient acceptées devant le juge prud’homal, elles doivent répondre à trois exigences fondamentales : loyauté, pertinence et licéité. La première condition repose sur le principe que chacun doit agir avec probité et réalisme dans la recherche, la recevabilité et l'évaluation des éléments de preuve. Cela interdit l'utilisation de caméras cachées sans le consentement explicite des salariés. Pour ce qui est de la seconde condition, cela signifie que les éléments produits doivent avoir un lien direct et nécessaire avec le litige.

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La préservation des droits du travailleur

Lorsque l’on parle de système de surveillance d’une entreprise, il ne faut pas oublier que les salariés bénéficient également de certains droits protégés, entre autres, par le Code du Travail. Ainsi, même si l'employeur a le droit de mettre une pose de vidéosurveillance, c'est toujours sous conditions. Le premier droit concerne la finalité de la vidéosurveillance elle-même qui doit être proportionnée au but recherché. Sa mise en place doit être réalisée pour servir l’entreprise, son bon fonctionnement et non pas pour surveiller les salariés dans leur quotidien de manière abusive. Le deuxième est le droit à l'information des salariés qui suppose que ces derniers soient informés avant l'installation du système.

Jurisprudence relative à la vidéosurveillance au travail

La jurisprudence en matière de vidéosurveillance au travail révèle des cas significatifs où les tribunaux ont tranché sur les pratiques des employeurs. Un exemple marquant est l'arrêt de la Cour de cassation du 20 septembre 2018 (n° 16-19.609), où le licenciement d'un salarié basé sur des preuves issues d'une vidéosurveillance, mise en place sans l'aval des représentants du personnel ni l'information préalable des employés, a été jugé illégal. En résultat, le licenciement a été annulé, entraînant des dommages-intérêts pour le salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Un autre arrêt pertinent est celui de la Cour de cassation du 10 janvier 2012 (n° 10-23.482), qui a traité de la surveillance des emails professionnels. La Cour a affirmé que, bien que l'employeur ait le droit de surveiller les outils informatiques professionnels, toute surveillance doit respecter la confidentialité des correspondances. L'absence de notification préalable au salarié rend la surveillance illégitime et les preuves recueillies inadmissibles.

Ces décisions mettent en avant la nécessité pour les employeurs de suivre scrupuleusement les protocoles légaux et d’informer les employés avant l'installation de systèmes de surveillance. Elles mettent également en lumière que les preuves recueillies illégalement sont irrecevables pour soutenir des actions disciplinaires ou des licenciements, soulignant ainsi la protection juridique des droits des employés face aux pratiques de surveillance abusives.

L'intervention de l’huissier dans le cadre de la vidéosurveillance au travail

L'intervention de l'huissier est essentielle pour garantir la validité juridique des images obtenues par la vidéosurveillance. En effet, il doit être présent lors de l’accès aux enregistrements afin de certifier la date et l'heure exactes des événements capturés par la caméra. Son rôle est également de garantir que les images n'ont pas été modifiées ou trafiquées, ce qui assurerait leur impartialité devant le tribunal.

L’exception d’une surveillance particulière

Il existe certaines exceptions lorsqu’il s’agit de vidéosurveiller un employé. En effet, une surveillance spécifique peut être autorisée en cas de suspicion d’un comportement délictuel plus grave comme le vol, l’espionnage économique etc. Dans ces cas-là, l'employeur peut même recourir à des détectives privés ou à l’installation de caméras cachées sans l'accord du salarié. Cependant, l'intention de faute doit être présumée et prouvée avant cette mise en place exceptionnelle.

Restrictions sur la collecte de données personnelles

Avec l'avènement des nouvelles technologies de l'information, il convient de réfléchir au risque de collecte excessive de données dues à la vidéosurveillance. En effet, conformément à la loi « Informatique et Libertés » et au RGPD, toute entreprise collectant des données personnelles à travers un système de vidéosurveillance doit déclarer ce dispositif auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). De plus, ce dispositif ne doit pas permettre de recueillir des informations permettant d'établir le profil psychologique, racial ou religieux du salarié sous peine de sanctions civiles et pénales.