Reclassement du salarié inapte : la consultation du CSE s'impose, même en l'absence de poste disponible

✅ Ce qu’il faut retenir sur la consultation du CSE en cas d’inaptitude

L’arrêt de la Cour de cassation du 5 mars 2025 rappelle avec force que la consultation du CSE s’impose à l’employeur, même lorsqu’aucune solution de reclassement n’est disponible. Cette exigence s’inscrit dans un cadre légal strict visant à encadrer les licenciements pour inaptitude.

À retenir :

  • Le CSE doit être consulté avant tout licenciement pour inaptitude, même si aucun poste n’est proposé.
  • L’absence de consultation rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf exceptions très encadrées.
  • Employeurs et salariés doivent connaître leurs droits pour sécuriser la procédure ou la contester efficacement.

La Cour de cassation vient rappeler, dans un arrêt du 5 mars 2025 (n° 23-13.802), une exigence fondamentale du droit du travail : l’obligation pour l’employeur de consulter le comité social et économique (CSE) sur les possibilités de reclassement d’un salarié déclaré inapte, même lorsqu’aucune proposition concrète de reclassement n’est envisageable. Une décision qui impose rigueur et vigilance à l’employeur dans la gestion de l’inaptitude.

Comprendre l’obligation de reclassement en cas d’inaptitude du salarié

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur est tenu d'engager une démarche de reclassement, conformément à l’article L. 1226-10 du Code du travail en cas d'inaptitude d'origine professionnelle, et l’article L. 1226-2 pour une inaptitude non professionnelle.

Une obligation encadrée par la loi

La loi prévoit que l’employeur doit proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités, en tenant compte :

  • des conclusions écrites du médecin du travail ;
  • des indications sur les capacités du salarié à exercer certaines tâches ;
  • de l’avis du CSE, lorsque celui-ci existe.

Ce processus de reclassement est préalable à tout licenciement pour inaptitude.

Consultation du CSE : une étape obligatoire, même en cas d’absence de reclassement possible du salarié

Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt du 5 mars 2025, un salarié déclaré inapte à la suite d’un accident du travail avait été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement sans que ses représentants du personnel ne soient consultés en amont. L’employeur avait justifié cette omission en invoquant l’absence de poste disponible, compatible avec l’état de santé du salarié.

La Cour de cassation tranche sans équivoque

La chambre sociale casse la décision de la cour d’appel, en affirmant que :

« Il appartient à l’employeur de consulter les représentants du personnel sur les possibilités de reclassement du salarié inapte, avant d’engager la procédure de licenciement »
(Cass. soc., 5 mars 2025, n° 23-13.802).

Ainsi, l’absence de poste ne dispense pas l’employeur de cette consultation. C’est bien l’analyse collective des possibilités, même si celles-ci sont nulles in fine, qui est exigée.

Quelles conséquences en cas de manquement à cette obligation de consultation du CSE ?

La jurisprudence est constante : le non-respect de l’obligation de consultation du CSE prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Le salarié peut donc obtenir :

  • des dommages et intérêts pour licenciement injustifié ;
  • la nullité de la procédure si d’autres irrégularités sont relevées.

Ce principe est posé aussi bien pour les inaptitudes d’origine professionnelle (article L. 1226-15 du Code du travail) que pour celles d’origine non professionnelle (voir Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-11.974).

Les seules exceptions à cette obligation

L’employeur peut être dispensé de l’obligation de reclassement et de consultation du CSE dans deux cas stricts :

  • Lorsque le médecin du travail mentionne expressément dans son avis que « tout maintien dans l’emploi serait gravement préjudiciable à la santé du salarié » ou que « son état de santé fait obstacle à tout reclassement » (article L. 1226-12 du Code du travail) ;
  • En cas d’absence de CSE, dûment justifiée par un procès-verbal de carence, à la suite des deux tours des élections professionnelles.

En dehors de ces hypothèses, la consultation du CSE est une condition de validité du licenciement.

consultation CSE

Quels conseils pratiques pour les employeurs ?

Face à l’inaptitude d’un salarié, l’employeur ne peut improviser. Voici quelques recommandations concrètes pour sécuriser la procédure :

  • Saisir le CSE dans les délais : la consultation doit intervenir avant tout acte préparatoire au licenciement, et être mentionnée dans les documents RH.
  • Conserver la preuve de la consultation : convocation, ordre du jour, procès-verbal d’avis.
  • Démontrer les recherches de reclassement : même infructueuses, les démarches doivent être documentées (listes de postes, contraintes médicales, entretiens).
  • Respecter les délais : en principe, un mois à compter de l’avis d’inaptitude pour proposer un reclassement ou engager la procédure de licenciement.

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Droits et vigilance du salarié inapte : que faut-il retenir ?

Le salarié déclaré inapte dispose de plusieurs droits qu’il est essentiel de connaître pour se défendre :

  • Il peut contester l’avis du médecin du travail devant le conseil de prud’hommes en référé.
  • Il a droit, en cas de licenciement irrégulier, à une indemnisation spécifique (minimum six mois de salaire si l'inaptitude est liée à un accident du travail).
  • Il peut demander des explications précises sur les recherches de reclassement effectuées.

En cas de doute ou de suspicion d’irrégularité, le recours à un avocat droit du travail à Versailles ou à une organisation syndicale est fortement conseillé.

L’avis de l’avocat : une décision qui impose rigueur et anticipation

L’arrêt du 5 mars 2025 vient consolider une ligne jurisprudentielle déjà bien ancrée, en réaffirmant que la consultation du CSE est un passage obligé, même lorsque l’issue du reclassement est d’ores et déjà connue. L’intention du législateur est claire : l’inaptitude ne saurait être traitée comme une simple formalité administrative. Elle doit faire l’objet d’un dialogue social sincère, même symbolique, et d’une traçabilité rigoureuse.

Un impératif de conformité pour prévenir le risque contentieux

La gestion de l’inaptitude d’un salarié impose à l’employeur vigilance, méthode et transparence. L’arrêt du 5 mars 2025 rappelle que la procédure de reclassement du salarié n’est pas un acte unilatéral, mais bien un processus concerté, dans lequel le CSE joue un rôle essentiel. Le manquement à cette étape expose l’entreprise à une requalification du licenciement, voire à des sanctions plus lourdes.

Chefs d’entreprise, DRH, salariés : soyez vigilants. Anticiper, consulter, justifier… telles sont les clés d’une procédure d’inaptitude juridiquement solide et humainement respectueuse.