La protection dont bénéficie une salariée enceinte contre le licenciement ne se limite pas à un principe de précaution. Elle constitue l’expression juridique d’un équilibre entre l’intérêt supérieur lié à la maternité et les impératifs de gestion de l’employeur. Cet équilibre, loin d’être symbolique, s’appuie sur des textes précis du Code du travail qui imposent une rigueur tant sur le fond que sur la forme.
Dans une décision récente, la chambre sociale de la Cour de cassation a réaffirmé la portée de cette protection en jugeant que le licenciement d’une salariée enceinte, notifié par une personne non investie du pouvoir de licencier, est non seulement irrégulier mais frappé de nullité absolue. Cette jurisprudence s’inscrit dans une volonté claire de sécuriser la situation juridique des salariées en état de grossesse et de sanctionner les employeurs, ou leurs représentants, qui méconnaissent les règles élémentaires de la délégation de pouvoir.
Le droit du travail prévoit une double protection contre le licenciement de la salariée enceinte. Cette protection peut être qualifiée de relative ou d’absolue selon la période pendant laquelle le licenciement est envisagé :
Cette protection trouve son fondement non seulement dans le droit interne, notamment les articles L.1225-4 et L.1225-71 du Code du travail, mais également dans les directives européennes relatives à la sécurité et à la santé des travailleuses enceintes. Le respect du principe de non-discrimination, notamment en matière de rupture du contrat, implique une application stricte de ces dispositions, sans marge d’interprétation extensive de la part de l’employeur.
Dans toute structure juridique, le pouvoir de prononcer un licenciement ne se présume pas. Il appartient à l’employeur ou à la personne qui en a reçu formellement le pouvoir. Cette exigence est encore plus forte dans les associations, où l’employeur n’est pas une personne physique mais un organe collectif, en l’occurrence le conseil d’administration.
Ainsi, lorsque le directeur d’une association notifie un licenciement sans disposer d’une délégation expresse et écrite du conseil d’administration, il agit sans pouvoir. Cet acte est alors juridiquement inopposable à la salariée. C’est cette situation qui a été soumise à l’appréciation de la Cour de cassation dans l’arrêt rendu le 12 février 2025.
Jusqu’à récemment, la jurisprudence considérait que le licenciement prononcé par une personne non habilitée était simplement dépourvu de cause réelle et sérieuse. L’inobservation des règles relatives à la délégation de pouvoir affectait donc la validité du motif économique ou disciplinaire du licenciement, sans remettre en cause la légalité de la rupture elle-même.
Dans le cas d’une salariée enceinte, la Cour de cassation franchit un cap. Elle ne se contente pas de qualifier le licenciement d’injustifié, mais le déclare nul. Cette évolution, très significative, traduit une volonté d’aligner le régime de la délégation de pouvoir sur l’intensité de la protection maternelle.
Dans l’affaire jugée le 12 février 2025, une salariée avait été licenciée pour faute grave par le directeur d’une association, alors qu’elle avait informé cette dernière de son état de grossesse quelques semaines auparavant. La lettre de licenciement n’émanait pas du conseil d’administration, seul habilité à prononcer une telle rupture, et aucune délégation formelle n’avait été établie.
La cour d’appel a jugé ce licenciement nul. La Cour de cassation a confirmé cette position, en se fondant sur la combinaison des articles L.1225-4, L.1225-71 et L.1235-3-1 du Code du travail. Elle a considéré que, dès lors que la salariée était protégée et que l’auteur de la rupture n’avait pas qualité pour agir, le licenciement était radicalement nul, peu importe que la faute grave soit ou non constituée.
La nullité du licenciement entraîne l’annulation de ses effets et la remise des parties dans l’état antérieur à la rupture. En pratique, cela se traduit par :
Les ordonnances du 22 septembre 2017, et notamment la réforme de l’article L.1225-71, avaient suscité de nombreuses interrogations. Certains arrêts avaient laissé penser que le droit au rappel de salaire en cas de licenciement nul pourrait être subordonné à une démonstration du préjudice subi, ou à une demande de réintégration.
La décision du 12 février 2025 met fin à ces doutes. Elle rappelle que la nullité du licenciement emporte de plein droit l’obligation de reconstituer la situation de la salariée pendant toute la période d’éviction, y compris le versement de son salaire.
Cette décision renforce la sécurité juridique des salariées protégées. Elle incite également les associations, mais plus largement l’ensemble des employeurs, à s’assurer que la personne qui signe la lettre de licenciement dispose effectivement du pouvoir de le faire.
Les implications pratiques sont importantes : une erreur de forme sur la qualité du signataire peut aujourd’hui suffire à faire tomber un licenciement, sans que le juge n’ait à se prononcer sur la réalité des faits reprochés.