Le droit du travail français prévoit diverses indemnités pour compenser la rupture du contrat de travail. Parmi elles, l'indemnité de licenciement et l'indemnité de départ à la retraite sont souvent au cœur des discussions. Peut-on cumuler ces deux indemnités lorsque les conditions d'attribution sont réunies ? La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 novembre 2024, a apporté une réponse claire à cette question, réaffirmant le principe du non-cumul. Cet article analyse cette décision et ses implications pour les employeurs et les salariés.
L'article L. 1234-9 du Code du travail stipule que tout salarié en CDI, licencié alors qu'il compte au moins une année d'ancienneté ininterrompue, a droit à une indemnité légale de licenciement, sauf en cas de faute grave. Cette indemnité vise à compenser le préjudice subi par le salarié du fait de la rupture à l'initiative de l'employeur.
Selon l'article L. 1237-9 du Code du travail, tout salarié qui quitte volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite. Son montant varie en fonction de l'ancienneté du salarié et de la rémunération du salarié. Elle récompense la fidélité du salarié à l'entreprise.
La Cour de cassation a, à plusieurs reprises, affirmé le principe de non-cumul entre l'indemnité de mise à la retraite et l'indemnité de licenciement. Par exemple, elle a jugé que lorsque la mise à la retraite est requalifiée en licenciement, le salarié ne peut prétendre aux deux indemnités simultanément (Cass. soc., 3 octobre 1991, n° 87-43.037).
Cependant, la question du cumul entre l'indemnité de départ à la retraite (initiative du salarié) et l'indemnité de licenciement restait moins tranchée, notamment dans des situations complexes comme la requalification de contrats.
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Mme H., employée en tant que femme de chambre par la société Hôtel du [2], a travaillé pendant 37 années consécutives sous contrats à durée déterminée saisonniers, de 1976 à 2012. Le 1ᵉʳ novembre 2010, elle fait valoir ses droits à la retraite mais continue à travailler pour l'entreprise durant deux saisons supplémentaires.
En 2013, estimant que ses contrats successifs auraient dû être requalifiés en CDI, elle saisit le conseil de prud'hommes pour obtenir cette requalification et réclamer des indemnités pour l'exécution et la rupture du contrat.
1. Devant la cour d'appel
La cour d'appel requalifie les CDD successifs en un CDI couvrant la période de 1976 à 2012. Elle condamne l'employeur à verser à Mme H. :
2. Le pourvoi en cassation
L'employeur forme un pourvoi en cassation, soutenant que les deux indemnités ne peuvent se cumuler, car elles indemnisent le même préjudice : la rupture du contrat de travail.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 6 novembre 2024, casse partiellement l'arrêt de la cour d'appel. Elle énonce que :
La Haute juridiction précise que l'indemnité de licenciement est due sous déduction de l'indemnité de départ à la retraite déjà perçue par la salariée.
1. Identité d'objet des indemnités
Les deux indemnités ont pour objet commun d'indemniser la rupture du contrat de travail :
2. Principe d'enrichissement sans cause
Permettre le cumul des deux indemnités conduirait à indemniser deux fois le même préjudice, ce qui contrevient au principe juridique de prohibition de l'enrichissement sans cause.
1. Pour les employeurs
2. Pour les salariés
La requalification intervient lorsque des CDD successifs ne respectent pas les conditions légales, transformant ainsi la relation de travail en CDI dès l'origine (article L. 1245-1 du Code du travail).
Dans l'affaire étudiée, malgré la requalification des contrats, la salariée avait déjà perçu une indemnité de départ à la retraite. La Cour de cassation a considéré que l'indemnité de licenciement due devait être réduite du montant de l'indemnité de départ à la retraite déjà versée.
L'arrêt du 6 novembre 2024 de la Cour de cassation clarifie une question essentielle en droit du travail : le salarié ne peut cumuler l'indemnité de licenciement et l'indemnité de départ à la retraite. Cette décision s'inscrit dans la logique de précédentes jurisprudences et vise à éviter une double indemnisation pour le même préjudice. Elle rappelle également l'importance pour les employeurs et les salariés de connaître précisément leurs droits et obligations lors de la rupture du contrat de travail.