La Cour de cassation, dans son arrêt du 19 mars 2025, répond clairement par la négative. Voici les éléments essentiels à retenir :
L’obligation de reclassement d’un salarié déclaré inapte constitue une exigence légale incontournable pour les employeurs. Toutefois, sa mise en œuvre effective soulève régulièrement des débats jurisprudentiels, particulièrement sur le périmètre à retenir lorsqu’il existe plusieurs entités juridiquement distinctes. Récemment, la Cour de cassation a apporté une clarification essentielle concernant les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). Cet article analyse cette décision importante rendue le 19 mars 2025 (Cass. soc. 19 mars 2025, n° 23-21.210).
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à exercer son poste par le médecin du travail, l’employeur est tenu de lui proposer un reclassement sur un poste compatible avec son état de santé (articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail). Cette obligation légale implique une recherche active et sérieuse dans l’entreprise concernée mais aussi, le cas échéant, au sein du groupe auquel appartient cette entreprise.
Depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, complétée par l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, le législateur a établi une définition précise et capitalistique du groupe de reclassement. Désormais, selon les dispositions de l’article L. 1226-2 du Code du travail :
« Le reclassement du salarié déclaré inapte doit être recherché au sein des entreprises situées sur le territoire national appartenant à un groupe formé par une entreprise dominante et par les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions prévues par les articles L. 233-1, L. 233-3 (I et II), et L. 233-16 du Code de commerce. »
Cette définition clarifie le périmètre juridique, remplaçant la précédente approche jurisprudentielle fondée sur la seule possibilité d'effectuer des permutations du personnel entre entreprises.
La spécificité des CPAM a toujours suscité des interrogations sur leur capacité à être assimilées à un groupe de reclassement. En effet, ces organismes de droit privé chargés d'une mission de service public disposent d’une organisation administrative et territoriale particulière, sans liens capitalistiques ou hiérarchiques classiques. Chaque CPAM fonctionne indépendamment, bien qu’elles exercent des missions identiques sur différents territoires.
La question posée devant les juridictions prud’homales était donc : les CPAM forment-elles un « groupe » au sens strict, imposant ainsi une recherche de reclassement élargie aux autres caisses ?
Avant l’intervention du législateur en 2017, la jurisprudence adoptait une approche pragmatique, privilégiant l’existence d’une possibilité effective de permutation du personnel plutôt que des liens capitalistiques stricts (Cass. soc. 24 octobre 1995, n° 94-40.188). Cette approche a pu créer des attentes chez les salariés des CPAM quant à leur reclassement éventuel dans une autre caisse.
Avec l'entrée en vigueur des ordonnances de 2017, cette approche a été abandonnée au profit d'une conception capitalistique stricte.
Dans l’affaire tranchée le 19 mars 2025, un sous-directeur de la CPAM des Ardennes, déclaré inapte par le médecin du travail, reprochait à son employeur d’avoir failli à son obligation de reclassement en ne cherchant pas un poste adapté dans d’autres CPAM. Après un rejet de sa demande par la cour d’appel, le salarié contestait cette décision devant la Cour de cassation, estimant que l’existence d’activités similaires et la possibilité effective de permutation du personnel auraient dû imposer une recherche élargie aux autres CPAM.
La Cour de cassation rejette cette analyse. En application stricte de l’article L. 1226-2 du Code du travail, elle rappelle que seules les entreprises contrôlées par une entreprise dominante selon les critères capitalistiques du Code de commerce peuvent être assimilées à un groupe. Les CPAM, entités indépendantes dépourvues de tels liens, ne remplissent pas ces critères légaux.
La Haute Juridiction précise ainsi explicitement :
Cette décision met ainsi fin à tout débat en affirmant que les CPAM ne constituent pas un groupe de reclassement au sens strict et actuel du Code du travail.
Cette précision jurisprudentielle sécurise considérablement les CPAM quant à leurs obligations en matière de reclassement. La recherche d'un poste adapté en cas d’inaptitude du salarié se limite désormais clairement au périmètre de chaque caisse.
Pour les salariés concernés, cela signifie une attention renforcée sur la procédure mise en œuvre par leur CPAM. Ils devront désormais être particulièrement attentifs à la bonne exécution des démarches internes visant leur reclassement, puisque l’obligation externe est juridiquement exclue.
Cet arrêt du 19 mars 2025 est décisif. Il clarifie une fois pour toutes la situation juridique des CPAM, organismes atypiques dans le paysage professionnel français. Les juges ont retenu une lecture stricte du texte législatif, garantissant aux employeurs concernés une meilleure prévisibilité dans la gestion de leurs obligations sociales.
En définitive, la Cour de cassation confirme ainsi son rôle fondamental dans l’application claire des nouvelles règles législatives relatives à l’inaptitude professionnelle, mettant fin aux éventuelles incertitudes persistantes.