L’exercice d’un mandat de représentation du personnel n’est pas sans conséquences sur le parcours professionnel du salarié. Afin de prévenir toute stagnation ou inégalité de traitement, le Code du travail a prévu une garantie d’évolution de la rémunération au bénéfice des salariés investis de fonctions représentatives. Cette garantie, codifiée à l’article L. 2141-5-1 du Code du travail, constitue un rempart essentiel contre les effets parfois négatifs de l'engagement syndical ou représentatif.
Concrètement, elle impose à l’employeur d’assurer, pendant toute la durée du mandat, une évolution salariale comparable à celle des salariés relevant de la même catégorie professionnelle et disposant d’une ancienneté équivalente. À défaut de tels comparables, c’est la moyenne des augmentations pratiquées dans l’ensemble de l’entreprise qui sert de référence.
Une problématique récurrente surgit lorsqu’un représentant du personnel est le seul salarié de sa catégorie professionnelle dans l’entreprise. Dans ce cas, aucun panel de comparaison direct ne peut être constitué, ce qui complexifie l’application du texte. La Cour de cassation a récemment tranché cette difficulté.
Dans un arrêt du 22 janvier 2025, la chambre sociale a précisé que l’employeur doit alors se référer aux augmentations générales ainsi qu’à la moyenne des augmentations individuelles pratiquées dans l’entreprise dans son ensemble, y compris lorsque ces dernières sont le fruit de promotions entraînant un changement de catégorie professionnelle.
Cette solution, bien que distincte de celle retenue en matière de retour de congé maternité (où les promotions sont exclues), se justifie ici par l’absence de repères comparatifs internes. Elle assure ainsi une protection effective du salarié investi d’un mandat, en évitant que son isolement catégoriel ne conduise à une stagnation injustifiée.
Autre point tranché par la Cour : l’utilisation des données issues des NAO comme base de calcul. L’employeur arguait que ces documents, ne distinguant pas les hausses générales des hausses individuelles, étaient inexploitables.
La Haute juridiction n’a pas suivi cette position. Elle a jugé que les données globales issues des NAO constituent une base objective suffisante pour apprécier l’évolution moyenne des rémunérations. En effet, ces éléments reflètent une tendance salariale collective qui permet, même en l’absence de détails sur chaque augmentation, d’évaluer une progression raisonnable de la rémunération du salarié protégé.
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L’article L. 2141-5-1 ne laisse pas toute latitude à l’employeur. La comparaison doit se faire avec des salariés :
Lorsque ces critères ne peuvent être réunis, comme dans le cas d’un représentant seul dans sa catégorie, la comparaison avec l’ensemble des salariés de l’entreprise s’impose.
Il résulte de la jurisprudence récente que l’évaluation de l’évolution salariale ne doit pas attendre la fin du mandat. Elle doit être appréciée chaque année, en lien avec l’évolution globale des salaires dans l’entreprise. L’employeur doit donc mettre en place un suivi individuel et documenté de la rémunération du représentant du personnel.
L’un des apports majeurs de l’arrêt du 22 janvier 2025 est la confirmation de la prise en compte des augmentations liées aux promotions dans la moyenne des hausses salariales de référence. Cette interprétation s’appuie non seulement sur le texte de loi, mais aussi sur l’étude d’impact ayant accompagné la création de la garantie.
En cas de non-respect de ces obligations, le salarié protégé est fondé à réclamer un rappel de salaire. L’action peut être exercée devant le conseil de prud’hommes, avec prescription triennale applicable aux créances salariales (article L. 3245-1 du Code du travail).
Pour assurer une mise en conformité effective avec le droit applicable, les entreprises peuvent :
La garantie d’évolution de la rémunération des représentants du personnel constitue un mécanisme essentiel pour préserver leur égalité de traitement au sein de l’entreprise. Les dernières décisions de la Cour de cassation en précisent les contours avec rigueur. Elles imposent une vigilance accrue aux employeurs, qui doivent conjuguer conformité juridique, transparence salariale et respect du dialogue social. Plus que jamais, un suivi rigoureux et annuel des rémunérations s’impose comme un impératif de gestion RH, tant pour prévenir les contentieux que pour garantir un climat social équilibré.