Réduction du plafond des IJSS au 1er avril 2025 : quels enjeux pour le droit du travail ?

Ce qu’il faut retenir de la réforme des IJSS en 2025

  • Le plafond de calcul des IJSS passe de 1,8 à 1,4 Smic pour les arrêts débutant après le 1er avril 2025.
  • Les salariés au revenu supérieur à 2 522 € bruts mensuels seront les plus impactés par la baisse d’indemnisation.
  • Les employeurs devront compenser davantage via le maintien de salaire ou les régimes de prévoyance collectifs.

Un nouveau cadre de calcul des indemnités journalières en arrêt maladie

À compter du 1er avril 2025, une réforme significative entre en vigueur concernant le calcul des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS). Le décret n° 2025-160 du 20 février 2025 modifie en effet le plafond de revenus d'activité pris en compte pour déterminer les montants versés pendant un arrêt maladie. Ce plafond, précédemment fixé à 1,8 fois le Smic mensuel, est abaissé à 1,4 Smic [[CSS, art. R. 323-4 mod. par Décret n° 2025-160 du 20 février 2025]].

Concrètement, cela signifie que les IJSS ne pourront plus être calculées sur un revenu mensuel brut supérieur à 2 522,52 €, contre 3 243,24 € auparavant (base Smic mensuel 2025 : 1 801,80 €).

Ce nouveau plafond s'applique à tous les arrêts maladie ouverts à compter du 1er avril 2025. Les assurés déjà en cours d'indemnisation avant cette date ne sont pas concernés.

Un impact direct sur le niveau d'indemnisation des assurés

Une baisse significative du montant maximal versé

La règle de calcul des IJSS demeure fondée sur la moitié du gain journalier de base, c'est-à-dire la moyenne des salaires bruts des trois mois précédant l'arrêt, dans la limite du plafond applicable [[CSS, art. L. 323-4 et R. 323-5]]. Le montant de l'indemnité journalière maximale, qui était de 53,31 €, est donc réduit à 41,47 € à compter du 1er avril 2025 [[CSS, art. R. 323-9]].

Cette diminution impactera de manière significative les salariés dont la rémunération mensuelle dépasse 2 522,52 €. Parmi eux, les cadres, les techniciens et les salariés relevant de conventions collectives offrant peu ou pas de complément employeur seront particulièrement exposés à une perte de revenu notable.

Réduction du plafond des IJSS au 1er avril 2025

L'absence de complément employeur : un facteur d'aggravation

Si l'entreprise ne verse pas de complément au titre de la maladie ou si la convention collective applicable est silencieuse sur ce point, le salarié devra se contenter de l'IJSS réduite. Cette situation est susceptible de générer des tensions et une insécurité financière importante, en particulier pour les catégories socioprofessionnelles à revenus moyens ou supérieurs.

Un effet en cascade pour les employeurs et les contrats de prévoyance

Un alourdissement indirect du coût pour l'entreprise

En application de l'article L. 1226-1 du Code du travail, l'employeur est tenu de maintenir une partie de la rémunération du salarié malade, au minimum à hauteur de 90 % pendant les 30 premiers jours d'arrêt, sous réserve d'une ancienneté d'un an. Dans ce cadre, les IJSS sont déduites du montant à verser par l'employeur.

Dès lors que les IJSS versées par la CPAM sont abaissées, la part à compléter par l'employeur augmente. Cela se traduit par un surcoût direct, non anticipé, notamment dans les branches où le maintien à 100 % est désormais la norme conventionnelle.

Des répercussions prévisibles sur les cotisations de prévoyance

La baisse du plafond de calcul des IJSS modifie également l'assiette de calcul des prestations versées au titre des garanties incapacité temporaire. Les organismes de prévoyance devront, à leur tour, prendre en compte ce nouveau seuil. Il est fort probable que cette réforme entraîne une hausse des cotisations à venir pour les entreprises adhérentes à un contrat collectif.

Dans ce contexte, il est recommandé aux employeurs de procéder à une réévaluation de leurs accords de branche et de leurs contrats de prévoyance afin d'en apprécier la portée financière.

Une harmonisation terminologique décidée par le législateur

Le décret du 20 février 2025 ne se limite pas à l'abaissement du plafond de revenus. Il harmonise également certains termes du Code de la sécurité sociale, notamment les articles R. 382-34 et R. 382-34-1, où l'expression "gain journalier" est remplacée par "revenu d'activité antérieur" [[Décret n° 2025-160, art. 1, 2° et 3°]].

Cette harmonisation vise à garantir une meilleure compréhension des textes et une cohérence de vocabulaire entre les différents régimes d'assurés.

Quelles mesures anticiper en droit du travail ?

Sensibiliser les salariés aux conséquences de la réforme

Les employeurs devront impérativement informer les salariés de la baisse du plafond et de ses effets sur leur niveau de revenu en cas d'arrêt maladie. Une communication interne claire et transparente évitera les déceptions et les incompréhensions au moment de la perception des IJSS.

Adapter les outils internes et les politiques RH

Il conviendra également d'actualiser les simulateurs de paie, les guides internes RH et les logiciels de gestion des absences. Cette mise à jour technique est indispensable pour garantir la conformité des bulletins de salaire et éviter d'éventuelles contestations.

Enfin, les entreprises pourraient être amenées à revaloriser leur régime de maintien de salaire afin de compenser les effets de la réforme, notamment dans les secteurs où la concurrence salariale est forte.

Conclusion : un ajustement technique aux effets juridiques et sociaux majeurs

Sous une apparente simplicité technique, la baisse du plafond des IJSS constitue une mesure aux répercussions profondes. Elle modifie l'équilibre économique de la prise en charge des arrêts de travail entre assurance maladie, employeurs et prévoyance.

Les directions juridiques et RH doivent se saisir de cette évolution pour anticiper ses effets pratiques et financiers. Plus largement, cette réforme pourrait relancer les discussions autour de la protection des revenus des salariés arrêtés, en particulier dans un contexte de tension sur le pouvoir d'achat et de fragilisation des garanties collectives.

Le droit du travail, bien que formellement peu impacté dans ses textes, se trouve au cœur de la gestion de ces nouvelles contraintes, tant pour les employeurs que pour les salariés.